Le retour du thon rouge en Manche.

Lors de notre périple estival avec Kervegon, de Loctudy à St Quay Portrieux, puis dans les Anglo-normandes, nous avons été les témoins de la vie marine.
Ce sont tout d’abord les dauphins, nombreux et joueurs, qui ont enchanté l’équipage de Kervegon, dès le sud Finistère.

Ils nous ont accompagnés, de jour comme de nuit, jusque dans la Manche, au large de Portsall.

Mais, à l’entrée dans la Manche, Jean-Yves et Jeanine, m’alertent : ils viennent d’apercevoir un gros poisson qu’ils identifient tous deux comme étant un thon.
Un thon en Manche ? Pour ma part, je n’en ai encore jamais vu, mais tout est possible : est-ce le réchauffement, ou l’effet des mesures restrictives concernant la pêche ou bien encore les migrations ?
La suite ? Il nous faudra attendre le dimanche 7 août, et notre étape St-Quay – St Peter, pour qu’un évènement que je n’avais encore jamais observé en Manche en plus de 40 ans de navigation se produise.
Nous venions de virer la Roche Gautier, balise ouest du plateau de Barnouic, et nous trouvions alors à 7 miles dans l’ouest du phare des Roches Douvres. Jeanine s’exclame alors :
« Il y a des brisants sur l’avant bâbord »
Moment de tension à bord de Kervegon : un rapide coup d’oeil à la carte, puis au sondeur nous confirme que nous naviguons par des fonds de 50m.
Et pourtant, sur une distance de 50 à 80m, la mer écume en effet sur l’avant bâbord. 
« C’est une chasse de dauphins » indique Jean-Yves, avant de se raviser.
« Ce ne sont pas des dauphins, on les verrai venir en surface pour respirer. C’est une chasse de thons »
Le phénomène est impressionnant : ça s’agite en surface dans tous les sens. Ce sont des centaines de poissons qui participent au festin. Les thons sont friands de maquereaux, abondants dans ces eaux en été.

C’est un total de 5 chasses de surface que nous avons pu observer dans la zone comprise entre Jersey, Bréhat et les Roches Douvres, toujours en fin de journée.
 
Nous sommes mêmes passés en plein milieu de ces thons affamés en tirant…une ligne à thon.
Malheureusement, la paravane était réglée pour pêcher profond, ce qui dans un sens n’est pas plus mal. La ligne aurait sûrement cassé. Mais dans le cas contraire, nous nous serions trouvé dans l’obligation de pratiquer le no-kill. Cette pêche est en effet très encadrée.

La pêche de loisir du thon rouge est autorisée pour la période définie par un arrêté annuel du Ministre chargée des pêches maritimes. Pour l’année 2021, la période allait du 1er juin au 15 novembre 2021, à la condition de relâcher le poisson vivant immédiatement après la capture. Dans le cadre de la pratique du pêcher-relâcher du thon rouge, la détention du poisson à bord est interdite.

Rôle du skipper BCC.
Il appartient au skipper de se renseigner sur les pratiques de pêche autorisées, selon les espèces et en fonction de la zone de navigation.
Le thon n’est pas la seule espèce réglementée. La pêche au bar est très encadrée : les mesures législatives peuvent changer d’une année sur l’autre. (périodes autorisées, maille, nombre de poissons à bord, zones autorisées)
 
Puisque vous êtes toujours là, je vais vous raconter une histoire qui aurait pu mal finir.
Nous sommes en juin 2018 ; j’ai loué un First 45 à Brest pour aller à Sein, aux Glénan, à Concarneau. Nous sommes sur le chemin du retour : nous avons franchi le Raz de Sein, viré la Pointe du Van, et mis le cap sur Douarnenez. Nous trainons une ligne, même si notre vitesse surface est un peu élevée.
 
« La ligne est remontée. Y’a un poisson au bout » Junior s’active à remonter la ligne. Apparait alors un bar de belle taille. « Belle prise » aurait dit Colombe.
Le problème : c’est que depuis 2015, la tension est forte sur la Pointe bretonne sur une ressource menacée : le bar. Des mesures strictes ont été adoptées.

Le moment est immortalisé. Nous prenons ensemble la décision de garder le bar, qui ce soir va nourrir les 8 personnes constituant l’équipage.
 
Seulement voilà : la tentation de partager ce moment est trop forte.
 
Des équipiers n’ont pas attendu 5 minutes pour poster la photo sur les réseau sociaux. 
 
Je dois l’avouer : là, j’ai poussé une gueulante.
 
Heureusement, cette imprudence n’aura pas eu de conséquence fâcheuse.
 
Nous avons du couper la tête et la queue du bestiau pour le faire rentrer dans le four. Et nous nous sommes bien régalé. N’est-ce pas là l’essentiel ?
 

Jacques Rouxel

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